[2016] Augmentation des coûts du travail liés à au réchauffement climatique et aux conditions socioéconomiques en Chine
La fréquence et l’intensité des vagues de chaleur ont un impact sur la santé. Des indicateurs spécifiques, faisant intervenir la température et l’humidité, permettent d’estimer une température ressentie et de faire le lien avec l’exposition des travailleurs aux fortes chaleurs. Dans le cadre du L-IPSL un premier travail a permis de caractériser ce type d’indicateurs à partir de plusieurs définitions ainsi que leur évolution à l’échelle globale en fonction de différents scénarios d’émissions de gaz à effet de serre, d’aérosols et d’utilisation des terres. A partir de 21 projections CMIP5 sous RCP8.5, nous avons montré que le stress thermique sur la santé augmenterait au cours du 21ème siècle, mais de manière plus forte que la seule température dans les tropiques humides, où la sévérité du stress thermique (caractérisé par le nombre de jours au-dessus de valeurs seuils qui dépendent des indices choisis) atteindra des niveaux jamais atteints à ce jour. Ces résultats sont robustes malgré les incertitudes, qui sont dominées par le choix des modèles de climat plus que par celui des indicateurs, même en utilisant des méthodes de correction de biais (Zhao et al., ERL, 2015).
Suite à cette première analyse, une étude plus ciblée a été réalisées sur la Chine où une politique de dédommagement des travailleurs subissant un stress thermique a été instaurée depuis 2012. Pour la Chine, les projections climatiques suggèrent une très forte augmentation du nombre de jours extrêmement chauds pour le scénario RCP4.5 (jusqu’à 25% à l’horizon 2030 et 50% à l’horizon 2090, cf. Fig. 1), scénario pour lequel l’activité humaine apporte un surplus d’énergie de 4.5W.m-2 à l’horizon 2100 au système climatique.
La subvention mise en place en 2012 concerne les travailleurs chinois exposés à des températures journalières excédent 35°C, ce qui revient à augmenter le coût du travail lors de fortes chaleurs. Ce subside est estimé à 0.2% du produit intérieur brut (PIB) sur la période 1979-2à15. L’article de Zhao et al. (PNAS, 2016) fait une estimation de l’augmentation du coût du travail lié à l’augmentation des fortes chaleurs au 21ème siècle, en croisant plusieurs hypothèses sur les scénarios socio-économiques, l’augmentation de la population et le taux d’emploi. Sous l’hypothèse que les taux de subvention restent inchangés, cette subvention pourrait atteindre 3% du PIB chinois à l’horizon 2100.
Une analyse fine des différentes sources d’incertitude, et de leur évolution dans le temps, permet d’affiner le résultat. La méthodologie repose sur l’analyse de variance pour quantifier le poids de chaque source d’incertitude dans l’incertitude totale. Les différents termes sont estimés à partir de l’ensemble des trajectoires possibles qui combinent les différentes hypothèses dans l’estimation du coût de la subvention. Cette analyse montre qu’en 2100, les incertitudes sont pilotées pour moitié par les incertitudes liées à la modélisation et la variabilité climatique et pour moitié par l’évolution de la population et surtout le choix des trajectoires d’émission de gaz à effet de serre (RCP, Fig. 2). Ces méthodes d’analyse sont actuellement déployées sur d’autres types d’évènements climatiques extrêmes, comme les vagues de froid.
Référence : Zhao Y., B. Sultan, R. Vautard, P. Braconnot, H.J. Wang and A. Ducharne, 2016: Potential escalation of heat-related working costs with climate and socio-economic changes in China. Proc. Nat. Acad. Sci., 113, 4640-4645.
Figure 1 : Nombre de jours de fortes chaleur (haut) et coût de la subvention à l’échelle régionale (bas) à l’horizon 2030 (gauche) et 2090 (droite) pour le scénario RCP4.5
Figure 2 : Estimation de l’évolution des différentes sources d’incertitudes affectant le calcul du dédommagement des travailleurs exposés à de fortes chaleurs